Si la consommation de poulet a été popularisée via l’industrialisation de l’élevage, il existe toujours des poulets élevés en plein air, de manière plus responsable et éthique. Cela induit forcément une différence de prix et, naturellement, une différence de modes de consommation. Toutes les questions d’alimentation ont des aspects sociaux et politiques, c’est une évidence. Le poulet rôti en est peut-être l’un des exemples les plus probants. C’est pourquoi on a essayé de se poser la question, à la manière dont
Libération l’a fait pour le jambon-beurre, la salade niçoise ou le burger, “
le poulet rôti est-il de droite ou de gauche ?”
L’Aile ou la Cuisse de Claude Zidi 1976
D’un côté, on pourrait s’arrêter à ce que représente le poulet rôti dans l’imaginaire collectif : un repas en famille, à table, dans de la belle vaisselle, toute la famille rassemblée autour de la table après la messe (ou un autre genre de messe : l’entraînement de foot, le jogging, le marché, le café au bistrot du coin). Monsieur préside en bout de table et, s’il n’a pas levé le petit doigt pour cuisiner, c’est lui qui découpe la bête. Il répartit les ailes, les cuisses, le blanc, les sot-l’y-laisse… Le poulet rôti du dimanche, c’est la tradition, c’est la viande, c’est une bête morte sur la table, c’est faire un pied de nez au politiquement correct qui dit qu’il faudrait respecter les vegan. Aujourd’hui, avec les différents types d’élevage, la crises économiques, et la grippe aviaire, c’est aussi accepter de payer une fortune pour une bête élevée décemment et qui n’aura pas été nourrie aux produits chimiques (et surtout pour se démarquer chez le boucher).
De l’autre côté, le poulet rôti peut aussi être vu comme résolument de gauche. Premièrement car il n’y a pas de recette officielle : chacun y va de son astuce, à coup de citron frais ou confit, de marinade à sec, d’épices marocaines. Cela vient aussi du fait que le poulet est un aliment de base dans de nombreuses cultures. Les différentes diasporas européennes, africaines, maghrébines et asiatiques ont amené un peu de leur goût en France, et cela passe par une revisite du poulet rôti. Ensuite, parce que si l’on n’a pas de four, on peut très facilement manger un poulet rôti, même avec un très petit budget, que ce soit sur les marchés ou dans les hypermarchés. C’est donc un plat (en apparence) démocratique.
Car si à une époque, la majeure partie des poulets venait de petites exploitations gérées de manière raisonnée, le pouvoir d’achat était plus élevé, et les inégalités plus basses, aujourd’hui la situation a bien changé. La définition de la droite et de la gauche a, elle aussi, bien changé. De nos jours, c’est la “gauche bobo” qui se soucie du bien manger (comprendre bio, local, raisonné, éthique) quitte à être moralisatrice et élitiste, et la droite populiste qui prône l’égalité d’accès aux denrées alimentaires de base, quitte à ne pas remettre en question les pratiques modernes d’élevage et leur impact sur l’environnement.
Le poulet rôti, selon le prisme par lequel on le déguste, est donc de droite et de gauche. Tiens, tiens.