Enfin, il y a les commerçants « de bouche » qui se mettent à la restauration. Le meilleur exemple, c'est la cave à manger, expression passée dans le langage courant (merci Le Fooding) alors qu'elle désigne l'hybridation par excellence. La cave, le caviste, c'est l'endroit où l'on va acheter ses bouteilles de vin, point. La cave à manger permet non seulement d'acheter des bouteilles de vin, mais aussi de les déguster sur place, accompagnées de “petites assiettes à partager” en étant entouré.e d'autres clients qui font la même chose. Tout de suite plus convivial que de juste s'entendre demander “D'accord vous avez déjà une idée en tête ? Un budget peut-être ? Vous aimez quoi, comme région ?” et de bégayer pendant qu'on sent le regard des autres clients dans la boutique. À présent, ces caves à manger sont d'ailleurs plutôt des restos qui vendent des bouteilles à emporter, plus que des caves qui font accessoirement la popote.
Il y a aussi des commerçants de l'alimentaire qui se lancent dans la restauration, ce n'est pas réservé à ceux qui font dans la boisson. Il y a dorénavant bon nombre de boucheries qui font aussi restaurant. Elles permettent aux clients de choisir leur pièce de viande, grâce aux explications fournies par un.e boucher.e sur sa provenance, sa race, etc. puis de les déguster sur place, comme chez Bidoche, dans le 11ème arrondissement de Paris, ou à L'Argot à Lyon. On a la même chose pour les fromagers, qui se déclinent en restaurants spécialisés dans le fromage. On citera ici Monbleu et ses trois adresses parisiennes, dans lesquelles on peut aller acheter sa dose de lactose comme aller la consommer directement sur place, cuisinée comme il se doit et accompagnée d'un verre de vin. Nous avons échangé avec
Damien Richardot, le fondateur : restaurateur depuis déjà 15 ans, il a souhaité se replonger dans le monde du fromage dans lequel il avait plus ou moins baigné pendant sa jeunesse, dans les Alpes. Il voulait pouvoir « sélectionner les meilleurs fromages en étant vraiment fromager » puis les « mettre en lumière dans un restaurant » et fournir une belle expérience aux clients, de la fromagerie comme du restaurant. Aujourd'hui, les deux parties de son business ont trouvé leur clientèle et ont autant de succès : 30% du CA environ pour la fromagerie et 70% pour la restauration, ce qui toutes proportions gardées montre que les deux pôles sont solides.
Credit photo : Le Figaro – Bidoche, Paris
Credit photo : Monbleu – Paris
Hier les restaurants, demain le sport et la culture ?
À une époque où la restauration vit une mutation forcée à cause de la pénurie de main-d'œuvre, peut-être que ce sont ces nouveaux modèles, qui puisent des valeurs dans d'autres milieux, qui pourront aider à assainir la maison-mère ? Quoi qu'il en soit, ces restaurants d'application nouvelle génération, qu'ils soient lancés par une marque de vêtements, un label de musique, ou un spécialiste du caviar, sont de plus en plus courants, et pour une simple et bonne raison : ils fonctionnent. Ils répondent au besoin de diversification des revenus, ils répondent à différents moments et modes de consommation, ils répondent à la demande croissante de lieux hybrides et changeants. Il y a les « halles gourmandes » nouvelle génération, à la Biltoki : des lieux qui rassemblent des commerces de bouche au même endroit, et où l'on peut acheter des produits comme les déguster directement sur place, préparés par des cuisiniers. Mais il n'y a qu'à se rendre chez Arkose, salle d'escalade située à Nation et dont l'espace restaurant et bar occupe les 2/3 de la surface et sont constamment bondés. Véritable lieux de vie, les sportif.ve.s s'y retrouvent pour grimper mais aussi pour manger, boire des coups, passer du temps ensemble, et il ne fait aucun doute que ça apporte un revenu substantiel à la salle. Alors, à quand des restaurants dans toutes les salles de sport ? Ou dans d'autres lieux d'ailleurs… Mais on vous en parle dans un prochain article.